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Le blog de Kincaid

La princesse du chateau enchanté

6 Septembre 2009, 18:48pm

Publié par Kincaid

LA PRINCESSE DU CHATEAU ENCHANTE:


II y a longtemps, très longtemps, vivait un prince irlandais. Quand vint pour lui le temps de prendre épouse, comme l'y incitaient beaucoup de ses conseillers, il partit vers l'est du monde, car c'est là qu'il désirait trouver une princesse.

Personne ne sait si une certaine beauté l'attirait déjà en ces lieux ou s'il s'y rendait sur la recommandation d'un de ses conseillers. Lui seul connaissait la raison de son entreprise.

Il voyagea longtemps avant de trouver celle qui l'attendait. Mais de dures épreuves le guettaient.


La belle princesse habitait un château situé au sommet d'une immense falaise et, autour du château, de jour comme de nuit, tournaient d'énormes roues.

Personne ne pouvait entrer dans le château tant que ces roues tournaient. Le prince irlandais arriva au pied de la forteresse, il en fit le tour et l'examina de tous côtés.

Puis il secoua la tête: « Pourquoi suis-je venu jusqu'ici? » soupira-t-il tristement. « Pourquoi ai-je accompli un si long voyage, alors que je ne puis entrer dans ce château et y réjouir mes yeux de la vue de ma belle princesse? »

Il allait s'en retourner quand un volet s'ouvrit sur un mur de la forteresse. Le prince leva la tête et aperçut la plus belle jeune fille qu'il eût jamais vue. II n'avait même jamais rêvé en rencontrer une aussi belle. Il s'agissait de la fille du roi de l'est du monde.

Elle vivait avec ses servantes dans une tour protégée par ces énormes roues tournantes. Le roi les avait faites installer là afin que personne ne puisse atteindre sa fille, tant qu'il n'aurait pas lui-même donné l'autorisation qu'elle se mariât avec le puissant souverain voisin. Mais le monarque en question ne se contentait pas d'être riche et puissant. Il était aussi vieux et repoussant et la princesse ne voulait pas de lui pour époux.


Tristement, la princesse contempla le prince d'Irlande. Quand leurs regards se rencontrèrent, le prince se figea sur place comme s'il avait pris racine en cet endroit. Au bout d'un long moment, il dit : »Je retourne en Irlande, mais je te promets de ne pas avoir de repos tant que je n'aurai pas trouvé dans mon pays un enchanteur assez puissant pour arrêter le mouvement de ces énormes roues. Mais je te demande de me faire le serment de m'attendre jusque-là. »

« II n'existe pas de semblable enchanteur en Irlande », dit une voix près du prince. Celui-ci se retourna et aperçut à ses côtés un maigre vieillard. « Penses-tu ? » protesta-t-il. « II existe beaucoup d'enchanteurs en Irlande. »

« Tu as peut-être raison, mais je te dis pourtant qu'à part le roi de l'est du monde, il n'y a qu'un seul homme pour savoir comment arrêter ces roues. Et il ne se trouve pas en Irlande. »

« Qui est-ce? Où le trouverai-je? » demanda le prince. 
« Tu n'auras pas besoin de le chercher. C'est moi », répondit gravement le vieillard.
« Et qui es-tu? » insista le prince.

« Que t'importe? Autrefois, je fus l'ami du roi de l'est du monde. Nous ne nous sommes pas rencontrés depuis bien longtemps, mais nous avons eu le même maître en sorcellerie. Je l'ai toujours surpassé par mes pouvoirs, et je pense le faire encore aujourd'hui en empêchant ces énormes roues de tourner, si tu me le demandes. »

« Je t'en prie, arrête-les! » supplia le prince d'Irlande. « Et de surcroît, je te prie de m'apprendre qui tu es, afin que je sache à qui donner ma gratitude et ma récompense. »
« Je suis le puissant enchanteur Thuraoi, d'Irlande. Et je ne désire rien en récompense, si ce n'est l'autorisation de prendre dans ce château ce que bon me semblera. »
« Je te remercie de ton aide, mais ce château n'est pas à moi », répliqua le prince.

  « Cela n'a pas d'importance », s'écria la princesse de sa fenêtre, « cher Thuraoi, si tu nous aides à arrêter ces roues et à faire entrer le prince dans ce château, tu pourras y prendre tout ce que tu voudras. Tout ce qui t'y plaira sera à toi. »
« Vous me le promettez tous deux? » insista Thuraoi.
« Nous le promettons », répondirent le prince et la princesse d'une seule voix. Alors, l'enchanteur ordonna au prince de s'éloigner avec lui de neuf pas des énormes roues. Quand ils eurent accompli ces neuf pas, les énormes roues s'arrêtèrent de tourner. Le prince se précipita à l'intérieur du château et la princesse courut à sa rencontre.
Le roi de l'est du monde fut fort effrayé quand il remarqua que les roues venaient de s'arrêter. Il appela ses gardes, tira son épée et alla regarder quel était l'intrus qui avait surpassé ses pouvoirs. Quand il aperçut l'enchanteur Thuraoi, son épée lui tomba des mains en signe d'impuissance.
« Que venez-vous faire en ces lieux ? » demanda-t-il au prince quand il fut revenu de sa surprise.
« Je suis prince d'Irlande et je suis venu chercher ta fille pour en faire mon épouse. Le puissant enchanteur Thuraoi m'a aidé et, en échange, ta fille et moi lui avons promis qu'il pourrait prendre dans le château ce qui lui plairait le plus. »
« Est-ce vrai, ma fille? » demanda le souverain à la princesse.
« Oui, père », confirma-t-elle en souriant au prince.
« Prends donc ce que tu veux dans ce château », soupira le roi en se retournant vers l'enchanteur.
« J'ai déjà choisi », répondit Thuraoi. « Ce qui me plaît le plus dans tout ce château, c'est ta fille. A partir de maintenant, elle est mienne. »
Le roi, la princesse et le pauvre prince tressaillirent, mais il était impossible de revenir sur une promesse. La princesse faillit mourir de désespoir à l'idée qu'elle devrait bientôt épouser le vieil enchanteur. Ses larmes coulèrent quand elle regarda à nouveau le prince: Le contempler ainsi la rendait encore plus malheureuse. Et elle aurait préféré qu'on l'ensevelît sous terre plutôt que d'accorder sa main à ce vieux sorcier.

Par bonheur, le prince réussit à chuchoter à la princesse qu'elle ne devait pas perdre espoir et qu'il essaierait de la délivrer à nouveau. La jeune fille reprit confiance et décida de repousser le jour du mariage autant qu'elle le pourrait.

« Je t'ai promis de te suivre et je tiendrai ma promesse », dit-elle à l'enchanteur. « Mais je te demande de m'accorder une faveur. Je voudrais que tu me conduises, après nos noces, dans un château encore plus beau que celui-ci. Je suppose que tu ne voudrais pas que ta femme vive dans de plus mauvaises conditions que lorsqu'elle était jeune fille? »
« Bien, tu auras bientôt un château selon ton goût », promit l'enchanteur. I1 lui aurait promis la lune et les étoiles, tant il la trouvait belle. « Mes gens se rendront à travers toute l'Irlande pour me rapporter de quoi le construire et l'orner. »

« Retourne en Irlande, mon bien-aimé », demanda la princesse au prince. « Va, et surveille la construction de ce château. Lorsqu'il sera presque achevé, préviens-moi. J'y viendrai avec toute ma suite et je tâcherai de trouver un moyen d'échapper à ce sorcier. »


Le prince d'Irlande obéit. Il se déguisa en barde et s'en alla surveiller la façon dont les géants, au service du sorcier, réunissaient les matériaux nécessaires à la construction du château. Jour après jour, de hautes et épaisses murailles s'élevèrent.
Les menuisiers de tout le royaume d'Irlande durent confectionner des tables et des chaises pour les salles du château, les forgerons entrèrent aussi en action, ainsi que les orfèvres qui ciselèrent la plus belle vaisselle d'argent. Les tisserands tissèrent et les femmes brodèrent des tentures, des tapis et des couvertures. Bientôt, tout fut presque prêt et d'une beauté sans pareille.


Un mois avant la fin de l'année, le prince irlandais fit prévenir sa belle princesse, afin qu'elle vînt contempler le nouveau château dont l'achèvement était imminent.

La princesse se mit aussitôt en route pour l'Irlande avec une suite importante. Le vieil enchanteur bondit de joie comme un jeune homme à l'annonce de cette arrivée. Quand les navires du roi de l'est du monde abordèrent les côtes irlandaises, de nombreux curieux accoururent. Au milieu des acclamations, la voix d'un barde s'éleva. La princesse n'avait jamais entendu un chant aussi beau et elle demanda au sorcier :
« Bien-aimé, invite ce barde au château pour qu'il nous réjouisse de ses chansons. »
Pendant la fête, la princesse s'éclipsa un instant pour rejoindre le barde auquel elle chuchota de réunir ses meilleurs combattants sur le flanc de la montagne, en bas du château, et de l'y attendre près du ruisseau.
« Quand il coulera du lait dans le ruisseau, tu sauras que l'instant est venu pour toi et tes troupes de venir à la porte de la forteresse. Je vous y attendrai. »
Le prince d'Irlande obéit et réunit rapidement sa troupe sur le flanc de la montagne, au bas du château. Jour et nuit, ils attendirent au bord du ruisseau pour voir si du lait allait y couler à la place de l'eau. Les jours passèrent, le château continua de grandir et les géants au service du sorcier arrivèrent avec les derniers matériaux nécessaires. Le vieux Thuraoi attendait avec une impatience non dissimulée que les artisans aient fini leur travail, afin de montrer à la princesse qu'il n'existait pas à présent de château plus beau au monde. Pour calmer son impatience, il partit à la chasse.

La princesse choisit cet instant pour dire devant ses servantes qui apportaient le lait fraîchement trait : « Pouah! Ce lait a mauvaise odeur. Jetez-le dans la rivière. Je n'en boirai pas une goutte. Dieu seul sait quel poison s'y trouve! »
Les servantes furent étonnées et tentèrent de convaincre la princesse que ce lait était frais et excellent, que les vaches avaient brouté dans les meilleures prairies, mais en vain. La princesse finit même par se fâcher :
« Jetez donc ce lait dans le ruisseau ou cela ira mal pour vous! »

Les servantes et les valets vidèrent alors tous les récipients à lait dans le ruisseau, car l'enchanteur leur avait formellement ordonné d'obéir aux caprices de la princesse. Lorsque le ruisseau se colora en blanc, le prince d'Irlande et sa suite bondirent pour se rendre à la porte du château. Là, la princesse et son cortège les attendaient déjà.

« Vite, vite », dit-elle à son bien-aimé, « l’enchanteur est à la chasse avec ses gens. Il est temps de s'enfuir! »

Les compagnons du prince tuèrent les gardes du château et bientôt, le prince, la princesse et leurs gens purent s'enfuir. Tard le soir, l'enchanteur rentra de la chasse et trouva le château désert. Les gardes avaient disparu, ainsi que les géants, la princesse et sa suite.

Fou de colère, il monta dans la tour, saisit une trompe et sonna pour appeler à l'aide. Mais les géants étaient encore loin. Le temps qu'ils arrivassent jusqu'au château, ils ne trouvèrent plus que leur maître, terrassé par la rage, et ne surent jamais pourquoi il les avait appelés.

Le prince d'Irlande, sa gracieuse princesse et ses fidèles compagnons rentrèrent chez eux sains et saufs et fêtèrent le plus beau mariage qu'on eût jamais vu. Neuf jours durant, la bière et l'hydromel les régalèrent, ainsi que les mets les plus fins. Et ils dansèrent et chantèrent jusqu'à ce que le château de l'enchanteur se fût effondré et que ses pierres eussent roulé au fond de la vallée.
 

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